Rendez-vous avec le Frère Walter Perin

Il existe d’autres problèmes que l’actuelle épidémie, par exemple ceux liés à l’édition de caricatures moquant la foi des croyants. Qu’en pense le P. Perin, moine bénédictin de l’abbaye de Randol, en résidence à l’ermitage Notre-Dame de Mièges ?

Dans le dernier numéro de Sources, le journal du doyenné de Champagnole, vous exprimez votre réserve quant au droit au blasphème. Selon vous, jusqu'où peut aller le droit à la caricature ?

Je répondrai par les propos de la Conférence des évêques de France réunis en assemblée plénière le 7 novembre dernier : « La liberté doit être défendue, sans faiblesse. Est-ce à dire que la liberté d’expression ne doit connaître aucune retenue vis-à-vis d’autrui ? (…) Oui, les croyants, comme tous les citoyens, peuvent être blessés par des injures, des railleries et aussi par des caricatures offensantes. » Le Pape François ne dit pas autre chose.

Comprenez-vous les réactions des musulmans qui se sentent offensés par des dessins qui s'en prennent à leur foi ?

Tout à fait, car la foi touche à ce qu’il y a de plus cher chez les croyants. La Bible enseigne (Tobie 4,5) ce que la tradition a appelé « la règle d’or » parce qu’elle exprime la règle de base universelle de toute relation humaine digne de ce nom, et qui est exprimée par toutes les grandes religions et toutes les cultures : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ». La liberté va de pair avec le respect de ce que les autres ont de plus cher.

Qu'est-ce qu'un chrétien peut dire à un musulman, lui qui a une longue pratique des dessins satiriques moquant ce qu'il a de plus cher ?

La liberté d’expression perd sa légitimité si elle offense et outrage gratuitement les personnes dans leurs sentiments légitimes les plus profonds. Les chrétiens comme les musulmans ont le droit de se faire entendre sans violence en relevant le débat au-dessus des railleries de bas étage.

Résidant à l'ermitage Notre-Dame de Mièges, vous y exercez la mission d'accueil spirituel. Voulez-vous expliquer simplement en quoi cela consiste ? J'ose même vous demander : Est-ce réservé aux seuls croyants ?

La vie monastique a commencé au désert où se sont retirées des personnes dont ont été recueillies des maximes de vie spirituelle (les apophtegmes des Pères du désert), fruit de leur vie de prière et de recherche de Dieu dans le silence et la retraite. Il me semble important dans ce désert spirituel d’aujourd’hui que les personnes consacrées dans une vie de retraite renouent avec cette vocation d’accueil des personnes dans leur recherche de Dieu ou leurs questionnements sur la foi.


Propos recueillis par Pierre Compagnon

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