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Rendez-vous avec .. Pierre Carpentier
Dans son livre paru en 2005, Pierre Carpentier se qualifiait d’artisan cuisinier. Aujourd’hui en retraite, cet « artisan » continue de s’intéresser à l’évolution de la cuisine… et de la société.
Que ce soit à la radio, à la télévision ou ailleurs, il y a de plus en plus d'émissions consacrées à la cuisine. Selon vous, à quoi tient cet engouement ?
A l’envie de se sentir heureux, d’être dans une sorte de protection… La nourriture est souvent, pas toujours, un refuge et je l’espère un plaisir. Particulièrement dans cette période difficile, ces émissions sont une sorte d’abri contre l’inconnu. Mais à un « tant mieux » il y a un « tant pis ». Ces émissions donnent l’image d’un métier relativement facile alors qu’il est difficile, exigeant et long à comprendre. J’avoue que je n’ai pas encore fini de le comprendre, de l’assimiler et cela en fait tout le charme. Cela dit, entre les émissions diffusées à la radio et celles dispensées à la télévision, il existe une différence primordiale. La radio demande plus d’attention, de concentration et d’écoute. Avec l’image nous sommes plus passifs, mais les possibilités des enregistrements permettent maintenant de réécouter ou de revoir.
Comme partout, la cuisine est influencée par des modes. Quelles sont les modes actuelles ?
La mode, quelle mauvaise formule pour évoquer la cuisine ! Je préfère parler d’évolution. Celle-ci engendre beaucoup de trouvailles, mais aussi beaucoup de « n’importe quoi ». Il y a eu la nouvelle cuisine, la cuisine moléculaire… Peu importe au final, la cuisine avance, se modernise, s’affine, s’allège, se trompe... C’est la vie et Dieu sait que la cuisine est vivante.
En raison de la pandémie, les restaurants ne rouvriront leurs portes, si tout va bien, que le 20 janvier prochain. Que pensez-vous de cette mesure ? Ne vous paraît-elle pas exagérée ?
Mon sentiment est que les décisions du gouvernement - et je n’aimerais pas être à sa place - sont des actions faites pour protéger les Français, mais ceux-ci sont des Gaulois réfractaires à toutes décisions qui ne viennent pas d’eux. Astérix en est l’exemple type. Pour en revenir aux restaurateurs, à mes amis de toujours, peu de personnes se rendent compte que ce métier extraordinaire est aussi un métier très difficile. Pourtant, moi qui suis à la retraite depuis bientôt 16 ans, je ne regrette pas de l’avoir fait et je me sens en vieillissant redevenir apprenti car, au fond, je ne connais que peu de choses. Alors, que sortira-t-il de cette épreuve ? J’ai envie de répondre : des cuisiniers et des cuisinières qui y croient car rien n’est impossible. Nous aurons un devoir, nous les clients des restaurants : aller vers eux, du plus modeste au plus prestigieux, pour essayer de les sauver. Nous devons garder intact cet immense patrimoine qu’est « la cuisine française ».
Pierre, tu sais comme j’aime les histoires, laisse-moi te raconter la grenouille qui montait au milieu de multiples concurrentes les pentes d’une montagne. Tout autour d’elle, les cris fusaient, lui disant à elle et aux autres concurrentes qu’elles n’y arriveraient pas. Et pourtant, elle réussit à atteindre le sommet. Sais-tu pourquoi ? Parce qu’elle était sourde… à tout ce que les gens pouvaient raconter… Tâchons de l’imiter.
Propos recueillis par Pierre Compagnon